Période de grands bouleversements, la Révolution française entend faire table rase du passé. Cela passe en particulier par une profonde réforme du système judiciaire, si critiqué à la fin de l’Ancien Régime. De nouvelles institutions voient ainsi le jour, parmi lesquelles la justice de paix qui constitue le premier échelon du nouvel édifice. Cette justice de proximité réalise le souhait exprimé par le tiers état dans les cahiers de doléances de 1789 d’une régulation des conflits au plus près des justiciables.
Elle est instaurée par la grande loi de réorganisation judiciaire des 16 et 24 août 1790. Établie dans chaque canton et placée sous la responsabilité d’un juge de paix, elle se veut simple, rapide, gratuite et équitable. Dans le département du Morbihan, on en compte 69. Parmi elles, la justice de paix de Sarzeau, dont le ressort s’étend sur les communes d’Arzon, Saint-Gildas – qui devient Saint-Gildas-de-Rhuys en 1961 – et Sarzeau.
Le juge de paix est élu pour deux ans par les assemblées primaires de canton et rééligible par la suite. Il doit être âgé de plus de 30 ans mais aussi être inscrit sur la liste des citoyens éligibles, c’est-à-dire payer une contribution équivalant à dix journées de travail au minimum. Aucune condition de capacité professionnelle n’est requise et la plupart du temps il ne dispose même pas de compétences juridiques.
Le juge de paix est accompagné dans ses tâches par des assesseurs qui jouent le rôle d’auxiliaires, un secrétaire-greffier et éventuellement des huissiers chargés de certaines déclarations. Élus par la même assemblée que les juges, les assesseurs sont au nombre de quatre pour chaque commune du canton dont ils sont chargés de défendre les intérêts ; ils siègent par deux.
En ce qui concerne ses attributions, le juge de paix agit aussi bien au civil qu’au pénal. Sur le plan de la justice civile, il est compétent en matière contentieuse, gracieuse et amiable.
- Juridiction contentieuse :
- Il exerce une compétence générale pour toutes les causes personnelles et mobilières en dernier ressort jusqu’à 50 livres et avec appel jusqu’à 100 livres ;
- Il statue sur les litiges relatifs aux dommages causés par les hommes et les animaux dans les champs, aux déplacements de bornes et usurpations de terres, arbres, haies, fossés, aux baux, indemnités, salaires, gages, ainsi qu’aux injures verbales et rixes, sans appel jusqu’à 50 livres et avec appel pour quelque valeur que ce soit.
- Juridiction gracieuse : il homologue les décisions familiales (nominations de tuteur ou de curateur, émancipations, déclarations de grossesse…) et administratives (appositions et levées de scellés, inventaires de biens, prestations de serment…). En outre, certaines justices de paix du Morbihan présentent la particularité de renfermer dans leurs archives des actes gracieux d’ordre maritime (déclarations de gens de mer, francisations de navires, prises de corsaires…).
- Juridiction amiable : il forme un « bureau de paix et de conciliation » dans le cadre duquel il tente de concilier les parties sur un différend qui les oppose. L’objectif est d’éteindre rapidement les conflits.
À partir de 1791, le juge de paix est également doté d’attributions pénales. La première d'entre elles est la police correctionnelle qui lui est conférée par le décret des 19 et 21 juillet 1791. De fait, il juge les délits contre les mœurs, les troubles apportés à l’exercice des cultes, à l’ordre social et à la tranquillité publique, les insultes et violences graves, les homicides par imprudence, les vols et escroqueries. Ces infractions sont sanctionnées d’amendes et/ou de peines de prison inférieures à deux ans.
Deux mois plus tard, le décret des 16 et 29 septembre 1791 fait du juge de paix un « officier de police de sûreté ». Il est ainsi chargé de mener les instructions préparatoires des crimes et délits. Véritable juge d’instruction, il enregistre les plaintes, auditionne les témoins, délivre des mandats d’arrêt, interroge les prévenus. Dans le même temps, par le décret du 28 septembre 1791, il se voit chargé de la police rurale.
Sous la Convention, le Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV (25 octobre 1795) conforte le juge de paix dans ses attributions pénales en le désignant comme « juge de police judiciaire ». Il perd cependant la police correctionnelle mais peut désormais rendre des jugements de simple police, une compétence qui appartenait jusqu'ici aux municipalités. Aussi inflige-t-il des amendes qui montent à trois journées de travail au maximum et des peines d’emprisonnement qui peuvent aller jusqu’à trois jours.
Enfin, sous le Consulat, la loi du 7 ventôse an IX (26 février 1801) retire au juge de paix ses compétences en matière d’instruction et l’arrêté du 3 brumaire an X (25 octobre 1801) réduit le nombre de cantons et donc de justices de paix à 37 dans le Morbihan. Le 16 thermidor suivant (4 août 1802), un sénatus-consulte décrète que les juges de paix seront désormais nommés – et non plus élus – pour dix ans – contre deux auparavant – par le Premier consul sur une liste de deux candidats désignés par l’assemblée de canton.