APPARITION DE L'INTENDANCE DE BRETAGNE
Après les envois éphémères de commissaires extraordinaires tout au long du XVIIe siècle, un véritable intendant, « commissaire départi pour l'exécution des ordres de Sa Majesté en Bretagne », est institué en 1689, en la personne d'Auguste-Robert de Pommereu, homme d'expérience âgé de 62 ans, qui a déjà eu l'occasion d'exercer au cours d'une carrière variée des fonctions similaires dans d'autres provinces, en Bourbonnais, Berry puis Auvergne (Fréville, L'Intendance de Bretagne..., t. 1 p. 48). La Bretagne est ainsi la dernière province à recevoir un intendant, à un moment où le début de la guerre de la Ligue d'Augsbourg fait ressurgir les questions de la sécurité des côtes et des ressources financières. Cette institution bénéficie alors d'un modèle déjà bien établi ailleurs, et d'une organisation complexe dès l'origine.
ATTRIBUTIONS DE L'INTENDANT
Les attributions de l'intendant, parfois partagées avec les États de Bretagne ou disputées à ceux-ci, en particulier en matière d'imposition, sont assez variées et croissent rapidement au début du XVIIIe siècle. En effet, depuis le début du règne personnel de Louis XIV, les intendants possèdent un droit de contrôle sur les communautés de ville, et en particulier sur leur comptabilité et les travaux publics qu'elles engagent. L'intendant est chargé de contrôler l'administration des Domaines. Ses attributions militaires sont très importantes : levée de la milice, gestion des gardes-côtes - mission fondamentale dans une province dotée de larges frontières côtières - ; l'administration des invalides et le transport des soldats sont également de son ressort et occupent une part non négligeable des archives qui sont conservées aux Archives départementales du Morbihan. En matière de police, l'intendant s'occupe de la maréchaussée, des dépôts de mendicité, de la santé publique et de la salubrité. Les grands chemins, les ponts-et-chaussées constituent des compétences partagées avec les États de Bretagne.
L'intendant a la capacité de rendre justice et traite en particulier le contentieux en matière d'imposition. Dans le minuscule fonds qui provient de l'intendance de Bretagne aux Archives départementales du Morbihan, ces dossiers représentent une partie considérable, qui correspond à des affaires courantes au moment de la Révolution.
L'intendant a un pouvoir réglementaire pour exécuter les ordres du roi. Ainsi, il rend des ordonnances, qui en permettent l'application pratique dans le cadre de la province. Mais les Archives départementales du Morbihan n'en conservent que des fragments retrouvés de manière fortuite. Il faut donc se reporter au fonds de l'intendance aux Archives départementales d'Ille-et-Vilaine.
LISTE DES INTENDANTS DE BRETAGNE
Les intendants qui se sont succédés en Bretagne sont :
- Pommereu (1689-1692)
- Béchameil de Nointel (1692-1703)
- Ferrand (1703-1716)
- Feydeau de Brou (1716-1729)
- Des Gallois de La Tour (1729-1734)
- Camus Pontcarré de Viarme (1734-1753)
- Lebret (1753-1765)
- de Flesseles (1765-1767)
- d'Agay (1767-1771)
- Dupleix de Bacquemont (1771-1775)
- Caze de La Bove (1775-1783)
- Lefévre de Caumartin de Saint-Ange (1783-1785)
- de Bertrand de Molleville (1785-1788)
- Dufaure de Rochefort (1788-1791)
ORGANISATION DES BUREAUX
Outre un subdélégué général à Rennes, qui occupe des fonctions fondamentales dans l'administration de l'intendance, et peut se substituer à lui au besoin, l'intendant dispose d'un nombre variable de subdélégués répartis sur le territoire breton. « De 1689 à 1715, les bureaux de l'Intendance n'avaient pas, semble-t-il, été considérables : l'intendant paraît n'avoir eu encore à son service en 1709 qu'un secrétaire et deux commis » (Fréville, « Notes... », p. 128).
Mais la polysynodie, les prétentions renaissantes du parlement et des états, ainsi que la crise financière, font croître l'activité et la correspondance de l'intendant. Finalement, d'après la correspondance de Feydeau de Brou, les bureaux de l'intendance comprennent désormais un subdélégué général « extraprovinciaire », un premier secrétaire, des secrétaires et commis. Attachés à l'intendance, un puis deux subdélégués pour Rennes, pouvaient être chargés, outre leurs missions ordinaires, de missions particulières et de confiance (Fréville, « Notes... », p. 129). Sous l'intendance de Caze de La Bove, les bureaux comprennent un subdélégué général, un secrétaire de cabinet, un bureau de la guerre avec un premier secrétaire également secrétaire général, six secrétaires et commis, ainsi qu'un bureau de la finance, communautés et grands chemins avec un premier secrétaire, quatre secrétaires et un commis, deux subdélégués attachés à l'intendance, un suisse, un garçon, des hocquetons et une porteuse de courrier (Fréville, « Notes... », p. 143). Il faut souligner la longévité exceptionnelle de certains subdélégués généraux, tels Védier, de 1733 à 1753, ou Claude Pétiet, subdélégué général à partir de 1775 et jusqu'à la suppression de l'intendance, après avoir occupé des fonctions moins importantes au sein de l'intendance.